Observer les oiseaux avec Sam Denault
Texte — Mark Mann Photos — Patrice Bouchard, Mark Olsen, Gabriel De Rossi, Jordan Ryskamp, Margaret Strickland, Sam Denault
juin 2023

Par un matin de mai à BESIDE Habitat, Sam Denault et moi nous retrouvons au milieu d’une volée de parulines en migration — pourtant, nous venons à peine de pénétrer sous les arbres. Une foule d’oiseaux appartenant à différentes espèces sont perchés sur les branches au-dessus de nos têtes, et la forêt résonne de leurs chants. À l’extérieur depuis l’aube, Sam s’arrête fréquemment et incline la tête pour écouter, nommant les oiseaux à mesure qu’il les reconnait. Tandis que moi, debout au milieu de cette merveilleuse cacophonie, je suis incapable d’en identifier un seul.
Le biologiste et ornithologue montréalais Samuel Denault est venu passer quelques jours à BESIDE Habitat à l’occasion de la grande migration printanière. De la fin avril jusqu’au début mai, des millions d’oiseaux parcourent des milliers de kilomètres vers le nord pour aller se reproduire et se nourrir d’insectes. Pour un passionné comme Sam, cette migration saisonnière et le voyage de retour, à l’automne, incarnent des temps forts de l’année.
La diversité des espèces que l’on peut observer est en effet stupéfiante. Pendant son séjour à BESIDE Habitat, Sam a réussi à en identifier 75.


Chaque fois que Sam repère une espèce, il l’enregistre dans eBird, une base de données en ligne largement utilisée par les ornithologues pour consigner leurs observations. Ces données sont très prisées des scientifiques et des écologistes, car elles leur permettent de suivre l’évolution des populations d’oiseaux. eBird est aussi une sorte de réseau social pour les ornithologues, qui peuvent créer des listes d’observation et les partager avec d’autres personnes, découvrir de nouveaux lieux de repérage, et savoir quand et où certaines espèces rares ont été vues.
Sam s’y classe parmi les trois principaux contributeurs au Québec. Au moment où ces lignes ont été écrites, il avait identifié à lui seul 412 espèces dans la province, soit 87,5% du nombre total d’espèces dont la présence dans la région a été attestée au moyen de l’application. Le record actuel est détenu par Pierre Bannon, qui en a identifié 418.

De la difficulté d’observer les oiseaux en forêt
La plupart des oiseaux migrateurs poursuivront leur trajet jusqu’à la forêt boréale, voire jusqu’à l’Arctique, mais certains passeront l’été dans la forêt protégée de BESIDE Habitat Lanaudière. Ils se choisiront un partenaire, puis se disperseront sur le territoire pour construire leurs nids et élever leurs petits. Sam estime que jusqu’à 80 espèces différentes pourraient nicher et passer l’été sur le site ou à proximité.
Or, une fois que les oiseaux migrateurs se sont installés pour la saison, ils deviennent — généralement — moins faciles à repérer. « C’est particulièrement vrai pour les parulines. Il faut partir à leur recherche, car elles ne viennent pas spontanément à nous, me confie Sam. On doit explorer un peu. »
Il peut être plus difficile d’observer les oiseaux dans une forêt mature qu’en milieu urbain, où ils ont tendance à se rassembler dans les grands parcs, qu’on appelle parfois des « oasis de verdure ». S’il y en a beaucoup dans les forêts situées à l’extérieur de la ville, leur densité est plus faible. « On doit s’armer de patience pour faire de bonnes observations », explique Sam.
En d’autres mots, il faut se donner la peine.

La difficulté de l’ornithologie fait partie intégrante de son attrait. C’est d’ailleurs ce côté ludique qui a séduit Sam quand il avait 12 ans. En sixième année, il a appris que des oiseaux colorés vivaient dans un boisé de sa banlieue montréalaise — il se souvient encore de sa fébrilité. Il a eu du mal à les repérer, mais il a vite découvert qu’il serait récompensé pour ses efforts.
Sam a réalisé que le monde grouillait de créatures ailées bigarrées et qu’il suffisait de porter attention pour les voir. Il ne lui en fallait pas plus pour devenir accro à l’ornithologie.

Trente ans plus tard, Sam la pratique toujours, près de chez lui. Montréal se prête bien à l’observation d’oiseaux, me confie-t-il. Chaque année, il se donne le défi d’identifier 200 espèces différentes en ville — et il réussit presque toutes les fois.
Mais son passetemps préféré demeure de partir en quête d’« espèces cibles », un terme qu’il utilise pour désigner les oiseaux qu’il a envie de voir. « C’est comme une chasse au trésor. »
Il arrive que ces recherches l’entrainent loin de chez lui. Un jour, une personne a signalé la présence d’une macreuse noire en Abitibi — un gros canard marin que l’on ne retrouve généralement qu’en Europe. Sam a fait six heures de route pour aller l’observer.
« Je l’ai vue, me dit-il fièrement. J’ai eu de la chance, parce qu’elle n’était plus là le lendemain. »

Le plus long trajet qu’il a fait pour voir un oiseau, c’était en 2021, quand un pygargue empereur solitaire s’est aventuré à quelque 7 500 kilomètres de son aire de répartition habituelle, en Asie. Sam a conduit pendant 13 heures pour se rendre en Gaspésie, où le rapace avait été aperçu. Le spectaculaire oiseau de proie, doté d’ailes immenses, avait survolé l’Amérique du Nord d’ouest en est et fait parler de lui dans la presse internationale. Sam fait partie des quelques centaines de personnes qui ont parcouru de longues distances pour l’entrevoir.
De retour à l’intérieur du chalet, Sam ne peut s’empêcher de regarder par la fenêtre. Son œil exercé cherche à déceler le mouvement d’une aile entre les arbres. Le rythme de la conversation ralentit; je sens que mon interlocuteur a hâte d’aller poursuivre ses observations. On se salue, puis il retourne dans la forêt, ses jumelles à la main et le regard tourné vers la canopée.
L’observation d’oiseaux à BESIDE Habitat vous tente?
Jetez un coup d’œil à notre petit guide d’initiation à l’ornithologie. Vous y trouverez entre autres neuf espèces que vous pourriez apercevoir par temps chaud.