Créateur.rice.s

La temporalité de la forêt avec Leah Gibson

L’horticultrice et entrepreneure qui compose des arrangements avec des matériaux organiques éphémères nous confie comment elle observe la nature pour s’en inspirer.

Texte -

Au bout du fil, installée dans sa maison de bois rond rond à Perth en Ontario, la designer florale Leah Gibson est bien loin du petit studio à Ottawa où elle a lancé en 2016 son entreprise Homebody Floral. Elle en oublie presque cet appartement qui faisait aussi office de pépinière et de fleuriste entre les mois de mai et octobre.  

Pour tenir ses fleurs au frais, elle avait réussi à dégoter un réfrigérateur industriel auprès d’une station service avoisinante. «Je n’arrivais jamais à dormir la veille des mariages parce qu’il dégageait trop de chaleur», se rappelle-t-elle. L’idée d’avoir sa propre ferme de fleurs germait tranquillement, entre deux nuits d’insomnie.

Sur ce terrain de huit acres, elle compte aménager de grands jardins et y faire pousser la majorité des plantes dont son conjoint et elle ont respectivement besoin dans le cadre de leur travail — car oui, il est jardinier.  

Inspirée par la nature, Leah Gibson a fait de son métier la conception intuitive d’arrangements floraux qui rappellent les paysages sauvages dans leur beauté, leur saisonnalité, leur diversité. De passage à BESIDE Habitat, elle a fait aller sa magie, nous montrant qu’il n’y a pas que l’été qui soit digne de se transformer en centres de tables.  

Où as-tu grandi et comment ta relation avec la nature a-t-elle évolué au fil des années?

J’ai passé beaucoup de temps dehors, à interagir avec la nature, que ce soit pour attraper des salamandres, cueillir des fleurs (probablement même celles qu’il ne faut pas), m’assoir dans la mousse ou nager. Jusqu’à la semaine dernière, j’habitais en ville en continuant de m’évader aussi souvent que possible.  

 J’ai enfin l’impression de ne plus avoir besoin de m‘évader pour être près de la nature — elle est juste là quand je me réveille.


Qu’est-ce qui t’a attirée dans l’arrangement floral?

Les fleurs m’ont toujours intéressée. Quand j’étais plus jeune, je faisais du jardinage avec ma famille et j’ai longtemps eu envie de travailler avec les fleurs, sans vraiment savoir comment cela pourrait se matérialiser en passion ou en carrière.

Après avoir terminé l’université, j’ai ressenti un vide — je me sentais perdue et je ne savais pas trop quoi faire. J’ai commencé à travailler dans une fleuristerie où je servais du café et assez rapidement, je suis passée du côté des fleurs.

Je n’oublierai jamais la première journée où j’ai eu l’occasion de manipuler des fleurs dans la boutique — ma tâche consistait à préparer des bouquets de lavande et je me souviens avoir appelé ma mère en revenant du travail pour lui raconter.

Quand je me suis endormie, ce soir-là, les paumes imprégnées du parfum de lavande, j’ai su que j’avais trouvé ma place.


Comment tes études en philosophie influencent-elles ton quotidien?

J’ai appris à observer chaque perspective. Dans un de mes cours préférés, Philosophie de l’art, l’objectif n’était pas simplement d’étudier les objets, mais de déterminer ce qui les rendait si attrayants et de mieux comprendre pourquoi cela joue un rôle aussi important dans notre façon de fonctionner et de vivre en société. C’est de porter attention aux sentiments qui se rattachent à l’expérience de la beauté et de voir en quoi cela revêt une signification pour nous.

Que souhaites-tu exprimer à travers ton travail?

L’éphémère; un fragment de nature, dans tout ce qu’elle a de fluctuant, de vivant, de furtif. Je veux que mes bouquets soient simples, apaisants et teintés de nostalgie; je ne veux pas qu’ils soient figés ou qu’ils manquent de naturel. Je souhaite que mes créations évoquent le bois, les champs et les jardins, et je veux éviter tout ce qui aurait l’air trop rigide ou artificiel.

Quelles leçons la nature t'a-t-elle enseignée?

Tout est saisonnier. La nature m’a montré que je ne peux pas tout contrôler, que tout ne peut pas être rangé, ordonné et compartimenté. Elle m’a appris à ralentir, à me détendre, à être attentive. Elle m’a appris à aimer les choses dans tous les stades de leur vie, et à voir la beauté d’une fleur non seulement durant sa pleine floraison, mais aussi juste avant qu’elle éclose, puis à mesure qu’elle flétrit et qu’elle redevient graine. Elle m’a montré qu’on retrouve le beau partout, pas seulement lorsque tout est mis en scène.

 

À quel moment as-tu commencé à cueillir des champignons et comment es-tu arrivé à les intégrer dans ton travail?

La cueillette de champignons est quelque chose d’assez nouveau dans ma vie! Les fleurs me sont venues assez naturellement, c’est une sorte d’évidence. Par contre, les champignons font partie d’un monde à part, et j’en ai encore beaucoup à apprendre sur cet univers, comme tout le monde, d’ailleurs. On pourrait dire que je viens d’un milieu plutôt «mycophobe».  Mes parents n’ont jamais été particulièrement friands de ce genre d’exploration et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils étaient assez perplexes devant mes choix de décoration inspirés des champignons.

Néanmoins, la combinaison des fleurs et des champignons me semble tout à fait naturelle. Pendant la cueillette, je suis inspirée par les couleurs, les cosses de graines séchées et l’observation de plantes à tous les stades de leur vie. Ce qui m’inspire aussi, c’est de voir la symbiose entre certaines plantes et champignons, quelque chose que j’aime reproduire à travers mes créations.

Que vois-tu dans les paysages?

Le mouvement. L’idée des paysages est intéressante, dans la mesure où elle évoque à la fois les paysages sauvages que nous regardons de loin, mais aussi les jardins que nous entretenons et tâchons de maitriser, bien qu’il soit impossible de le contrôler totalement. Je suis inspirée par la façon dont les choses poussent par groupes, à différentes hauteurs; je suis fascinée par le fait que chaque plante peut à la fois présenter des bourgeons, des fleurs et des graines. J’aime le mouvement et l’asymétrie des choses.

Comment la nature et le design interagissent-ils, selon toi?

En ce qui me concerne, c’est mon intérêt envers la nature qui m’a aidée à mieux comprendre mon art et qui a influencé la façon dont je fais mes agencements. Le fait de cueillir une fleur et de l’utiliser en lui laissant son apparence naturelle a rendu la démarche plus organique, car je sentais que je connaissais mieux la fleur et que je la respectais d’une nouvelle façon, comme je l’avais vu pousser, fleurir et flétrir.


Quel impact aimerais-tu avoir sur les gens avec Homebody?

Je veux que mon espace offre une pause du monde au rythme effréné dans lequel nous vivons — c’est ce dont j’ai besoin moi-même. Je veux créer un instant de beauté avec lequel on peut interagir visuellement et qui procure un peu de légèreté dans la journée, même si ce n’est que pour un bref moment.


J’aimerais parler de la beauté que nous recherchons dans la nature. Toi qui, de toute évidence, sait la reconnaître dans les détails, les textures et les couleurs, quoi vois-tu l’automne?

Selon moi, l’automne offre la palette de couleurs la plus intéressante! J’aime les éclats de couleur du feuillage, même si d’une certaine façon, la nature est en train de mourir doucement (pour le dire franchement); j’aime la lente progression du vide à mesure que les champs sont labourés, que les jardins sont nettoyés et que les feuilles commencent à tomber. L’apparition des teintes plus douces et des espaces négatifs me ravit. C’est une saison à part.

L’hiver n’a jamais été ma tasse de thé (je travaille là-dessus), mais j’apprends à aimer ses tons de blanc et à voir la beauté dans l’aspect dégarni de la nature — les textures d’écorce, de champignons gelés, des formes dans la neige… On dirait que tout semble plus net sur un fond blanc, si on y prête attention.

Vivez les couleurs aux premières loges
Venez vous imprégner des couleurs et apprécier l'automne comme il se doit, au meilleur endroit qui soit.
RÉSERVER
Créateur.rice.s

La temporalité de la forêt avec Leah Gibson

L’horticultrice et entrepreneure qui compose des arrangements avec des matériaux organiques éphémères nous confie comment elle observe la nature pour s’en inspirer.

Texte -

Au bout du fil, installée dans sa maison de bois rond rond à Perth en Ontario, la designer florale Leah Gibson est bien loin du petit studio à Ottawa où elle a lancé en 2016 son entreprise Homebody Floral. Elle en oublie presque cet appartement qui faisait aussi office de pépinière et de fleuriste entre les mois de mai et octobre.  

Pour tenir ses fleurs au frais, elle avait réussi à dégoter un réfrigérateur industriel auprès d’une station service avoisinante. «Je n’arrivais jamais à dormir la veille des mariages parce qu’il dégageait trop de chaleur», se rappelle-t-elle. L’idée d’avoir sa propre ferme de fleurs germait tranquillement, entre deux nuits d’insomnie.

Sur ce terrain de huit acres, elle compte aménager de grands jardins et y faire pousser la majorité des plantes dont son conjoint et elle ont respectivement besoin dans le cadre de leur travail — car oui, il est jardinier.  

Inspirée par la nature, Leah Gibson a fait de son métier la conception intuitive d’arrangements floraux qui rappellent les paysages sauvages dans leur beauté, leur saisonnalité, leur diversité. De passage à BESIDE Habitat, elle a fait aller sa magie, nous montrant qu’il n’y a pas que l’été qui soit digne de se transformer en centres de tables.  

Où as-tu grandi et comment ta relation avec la nature a-t-elle évolué au fil des années?

J’ai passé beaucoup de temps dehors, à interagir avec la nature, que ce soit pour attraper des salamandres, cueillir des fleurs (probablement même celles qu’il ne faut pas), m’assoir dans la mousse ou nager. Jusqu’à la semaine dernière, j’habitais en ville en continuant de m’évader aussi souvent que possible.  

 J’ai enfin l’impression de ne plus avoir besoin de m‘évader pour être près de la nature — elle est juste là quand je me réveille.


Qu’est-ce qui t’a attirée dans l’arrangement floral?

Les fleurs m’ont toujours intéressée. Quand j’étais plus jeune, je faisais du jardinage avec ma famille et j’ai longtemps eu envie de travailler avec les fleurs, sans vraiment savoir comment cela pourrait se matérialiser en passion ou en carrière.

Après avoir terminé l’université, j’ai ressenti un vide — je me sentais perdue et je ne savais pas trop quoi faire. J’ai commencé à travailler dans une fleuristerie où je servais du café et assez rapidement, je suis passée du côté des fleurs.

Je n’oublierai jamais la première journée où j’ai eu l’occasion de manipuler des fleurs dans la boutique — ma tâche consistait à préparer des bouquets de lavande et je me souviens avoir appelé ma mère en revenant du travail pour lui raconter.

Quand je me suis endormie, ce soir-là, les paumes imprégnées du parfum de lavande, j’ai su que j’avais trouvé ma place.


Comment tes études en philosophie influencent-elles ton quotidien?

J’ai appris à observer chaque perspective. Dans un de mes cours préférés, Philosophie de l’art, l’objectif n’était pas simplement d’étudier les objets, mais de déterminer ce qui les rendait si attrayants et de mieux comprendre pourquoi cela joue un rôle aussi important dans notre façon de fonctionner et de vivre en société. C’est de porter attention aux sentiments qui se rattachent à l’expérience de la beauté et de voir en quoi cela revêt une signification pour nous.

Que souhaites-tu exprimer à travers ton travail?

L’éphémère; un fragment de nature, dans tout ce qu’elle a de fluctuant, de vivant, de furtif. Je veux que mes bouquets soient simples, apaisants et teintés de nostalgie; je ne veux pas qu’ils soient figés ou qu’ils manquent de naturel. Je souhaite que mes créations évoquent le bois, les champs et les jardins, et je veux éviter tout ce qui aurait l’air trop rigide ou artificiel.

Quelles leçons la nature t'a-t-elle enseignée?

Tout est saisonnier. La nature m’a montré que je ne peux pas tout contrôler, que tout ne peut pas être rangé, ordonné et compartimenté. Elle m’a appris à ralentir, à me détendre, à être attentive. Elle m’a appris à aimer les choses dans tous les stades de leur vie, et à voir la beauté d’une fleur non seulement durant sa pleine floraison, mais aussi juste avant qu’elle éclose, puis à mesure qu’elle flétrit et qu’elle redevient graine. Elle m’a montré qu’on retrouve le beau partout, pas seulement lorsque tout est mis en scène.

 

À quel moment as-tu commencé à cueillir des champignons et comment es-tu arrivé à les intégrer dans ton travail?

La cueillette de champignons est quelque chose d’assez nouveau dans ma vie! Les fleurs me sont venues assez naturellement, c’est une sorte d’évidence. Par contre, les champignons font partie d’un monde à part, et j’en ai encore beaucoup à apprendre sur cet univers, comme tout le monde, d’ailleurs. On pourrait dire que je viens d’un milieu plutôt «mycophobe».  Mes parents n’ont jamais été particulièrement friands de ce genre d’exploration et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils étaient assez perplexes devant mes choix de décoration inspirés des champignons.

Néanmoins, la combinaison des fleurs et des champignons me semble tout à fait naturelle. Pendant la cueillette, je suis inspirée par les couleurs, les cosses de graines séchées et l’observation de plantes à tous les stades de leur vie. Ce qui m’inspire aussi, c’est de voir la symbiose entre certaines plantes et champignons, quelque chose que j’aime reproduire à travers mes créations.

Que vois-tu dans les paysages?

Le mouvement. L’idée des paysages est intéressante, dans la mesure où elle évoque à la fois les paysages sauvages que nous regardons de loin, mais aussi les jardins que nous entretenons et tâchons de maitriser, bien qu’il soit impossible de le contrôler totalement. Je suis inspirée par la façon dont les choses poussent par groupes, à différentes hauteurs; je suis fascinée par le fait que chaque plante peut à la fois présenter des bourgeons, des fleurs et des graines. J’aime le mouvement et l’asymétrie des choses.

Comment la nature et le design interagissent-ils, selon toi?

En ce qui me concerne, c’est mon intérêt envers la nature qui m’a aidée à mieux comprendre mon art et qui a influencé la façon dont je fais mes agencements. Le fait de cueillir une fleur et de l’utiliser en lui laissant son apparence naturelle a rendu la démarche plus organique, car je sentais que je connaissais mieux la fleur et que je la respectais d’une nouvelle façon, comme je l’avais vu pousser, fleurir et flétrir.


Quel impact aimerais-tu avoir sur les gens avec Homebody?

Je veux que mon espace offre une pause du monde au rythme effréné dans lequel nous vivons — c’est ce dont j’ai besoin moi-même. Je veux créer un instant de beauté avec lequel on peut interagir visuellement et qui procure un peu de légèreté dans la journée, même si ce n’est que pour un bref moment.


J’aimerais parler de la beauté que nous recherchons dans la nature. Toi qui, de toute évidence, sait la reconnaître dans les détails, les textures et les couleurs, quoi vois-tu l’automne?

Selon moi, l’automne offre la palette de couleurs la plus intéressante! J’aime les éclats de couleur du feuillage, même si d’une certaine façon, la nature est en train de mourir doucement (pour le dire franchement); j’aime la lente progression du vide à mesure que les champs sont labourés, que les jardins sont nettoyés et que les feuilles commencent à tomber. L’apparition des teintes plus douces et des espaces négatifs me ravit. C’est une saison à part.

L’hiver n’a jamais été ma tasse de thé (je travaille là-dessus), mais j’apprends à aimer ses tons de blanc et à voir la beauté dans l’aspect dégarni de la nature — les textures d’écorce, de champignons gelés, des formes dans la neige… On dirait que tout semble plus net sur un fond blanc, si on y prête attention.

Vivez les couleurs aux premières loges
Venez vous imprégner des couleurs et apprécier l'automne comme il se doit, au meilleur endroit qui soit.
RÉSERVER
Créateur.rice.s

La temporalité de la forêt avec Leah Gibson

L’horticultrice et entrepreneure qui compose des arrangements avec des matériaux organiques éphémères nous confie comment elle observe la nature pour s’en inspirer.

Texte -

Au bout du fil, installée dans sa maison de bois rond rond à Perth en Ontario, la designer florale Leah Gibson est bien loin du petit studio à Ottawa où elle a lancé en 2016 son entreprise Homebody Floral. Elle en oublie presque cet appartement qui faisait aussi office de pépinière et de fleuriste entre les mois de mai et octobre.  

Pour tenir ses fleurs au frais, elle avait réussi à dégoter un réfrigérateur industriel auprès d’une station service avoisinante. «Je n’arrivais jamais à dormir la veille des mariages parce qu’il dégageait trop de chaleur», se rappelle-t-elle. L’idée d’avoir sa propre ferme de fleurs germait tranquillement, entre deux nuits d’insomnie.

Sur ce terrain de huit acres, elle compte aménager de grands jardins et y faire pousser la majorité des plantes dont son conjoint et elle ont respectivement besoin dans le cadre de leur travail — car oui, il est jardinier.  

Inspirée par la nature, Leah Gibson a fait de son métier la conception intuitive d’arrangements floraux qui rappellent les paysages sauvages dans leur beauté, leur saisonnalité, leur diversité. De passage à BESIDE Habitat, elle a fait aller sa magie, nous montrant qu’il n’y a pas que l’été qui soit digne de se transformer en centres de tables.  

Où as-tu grandi et comment ta relation avec la nature a-t-elle évolué au fil des années?

J’ai passé beaucoup de temps dehors, à interagir avec la nature, que ce soit pour attraper des salamandres, cueillir des fleurs (probablement même celles qu’il ne faut pas), m’assoir dans la mousse ou nager. Jusqu’à la semaine dernière, j’habitais en ville en continuant de m’évader aussi souvent que possible.  

 J’ai enfin l’impression de ne plus avoir besoin de m‘évader pour être près de la nature — elle est juste là quand je me réveille.


Qu’est-ce qui t’a attirée dans l’arrangement floral?

Les fleurs m’ont toujours intéressée. Quand j’étais plus jeune, je faisais du jardinage avec ma famille et j’ai longtemps eu envie de travailler avec les fleurs, sans vraiment savoir comment cela pourrait se matérialiser en passion ou en carrière.

Après avoir terminé l’université, j’ai ressenti un vide — je me sentais perdue et je ne savais pas trop quoi faire. J’ai commencé à travailler dans une fleuristerie où je servais du café et assez rapidement, je suis passée du côté des fleurs.

Je n’oublierai jamais la première journée où j’ai eu l’occasion de manipuler des fleurs dans la boutique — ma tâche consistait à préparer des bouquets de lavande et je me souviens avoir appelé ma mère en revenant du travail pour lui raconter.

Quand je me suis endormie, ce soir-là, les paumes imprégnées du parfum de lavande, j’ai su que j’avais trouvé ma place.


Comment tes études en philosophie influencent-elles ton quotidien?

J’ai appris à observer chaque perspective. Dans un de mes cours préférés, Philosophie de l’art, l’objectif n’était pas simplement d’étudier les objets, mais de déterminer ce qui les rendait si attrayants et de mieux comprendre pourquoi cela joue un rôle aussi important dans notre façon de fonctionner et de vivre en société. C’est de porter attention aux sentiments qui se rattachent à l’expérience de la beauté et de voir en quoi cela revêt une signification pour nous.

Que souhaites-tu exprimer à travers ton travail?

L’éphémère; un fragment de nature, dans tout ce qu’elle a de fluctuant, de vivant, de furtif. Je veux que mes bouquets soient simples, apaisants et teintés de nostalgie; je ne veux pas qu’ils soient figés ou qu’ils manquent de naturel. Je souhaite que mes créations évoquent le bois, les champs et les jardins, et je veux éviter tout ce qui aurait l’air trop rigide ou artificiel.

Quelles leçons la nature t'a-t-elle enseignée?

Tout est saisonnier. La nature m’a montré que je ne peux pas tout contrôler, que tout ne peut pas être rangé, ordonné et compartimenté. Elle m’a appris à ralentir, à me détendre, à être attentive. Elle m’a appris à aimer les choses dans tous les stades de leur vie, et à voir la beauté d’une fleur non seulement durant sa pleine floraison, mais aussi juste avant qu’elle éclose, puis à mesure qu’elle flétrit et qu’elle redevient graine. Elle m’a montré qu’on retrouve le beau partout, pas seulement lorsque tout est mis en scène.

 

À quel moment as-tu commencé à cueillir des champignons et comment es-tu arrivé à les intégrer dans ton travail?

La cueillette de champignons est quelque chose d’assez nouveau dans ma vie! Les fleurs me sont venues assez naturellement, c’est une sorte d’évidence. Par contre, les champignons font partie d’un monde à part, et j’en ai encore beaucoup à apprendre sur cet univers, comme tout le monde, d’ailleurs. On pourrait dire que je viens d’un milieu plutôt «mycophobe».  Mes parents n’ont jamais été particulièrement friands de ce genre d’exploration et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils étaient assez perplexes devant mes choix de décoration inspirés des champignons.

Néanmoins, la combinaison des fleurs et des champignons me semble tout à fait naturelle. Pendant la cueillette, je suis inspirée par les couleurs, les cosses de graines séchées et l’observation de plantes à tous les stades de leur vie. Ce qui m’inspire aussi, c’est de voir la symbiose entre certaines plantes et champignons, quelque chose que j’aime reproduire à travers mes créations.

Que vois-tu dans les paysages?

Le mouvement. L’idée des paysages est intéressante, dans la mesure où elle évoque à la fois les paysages sauvages que nous regardons de loin, mais aussi les jardins que nous entretenons et tâchons de maitriser, bien qu’il soit impossible de le contrôler totalement. Je suis inspirée par la façon dont les choses poussent par groupes, à différentes hauteurs; je suis fascinée par le fait que chaque plante peut à la fois présenter des bourgeons, des fleurs et des graines. J’aime le mouvement et l’asymétrie des choses.

Comment la nature et le design interagissent-ils, selon toi?

En ce qui me concerne, c’est mon intérêt envers la nature qui m’a aidée à mieux comprendre mon art et qui a influencé la façon dont je fais mes agencements. Le fait de cueillir une fleur et de l’utiliser en lui laissant son apparence naturelle a rendu la démarche plus organique, car je sentais que je connaissais mieux la fleur et que je la respectais d’une nouvelle façon, comme je l’avais vu pousser, fleurir et flétrir.


Quel impact aimerais-tu avoir sur les gens avec Homebody?

Je veux que mon espace offre une pause du monde au rythme effréné dans lequel nous vivons — c’est ce dont j’ai besoin moi-même. Je veux créer un instant de beauté avec lequel on peut interagir visuellement et qui procure un peu de légèreté dans la journée, même si ce n’est que pour un bref moment.


J’aimerais parler de la beauté que nous recherchons dans la nature. Toi qui, de toute évidence, sait la reconnaître dans les détails, les textures et les couleurs, quoi vois-tu l’automne?

Selon moi, l’automne offre la palette de couleurs la plus intéressante! J’aime les éclats de couleur du feuillage, même si d’une certaine façon, la nature est en train de mourir doucement (pour le dire franchement); j’aime la lente progression du vide à mesure que les champs sont labourés, que les jardins sont nettoyés et que les feuilles commencent à tomber. L’apparition des teintes plus douces et des espaces négatifs me ravit. C’est une saison à part.

L’hiver n’a jamais été ma tasse de thé (je travaille là-dessus), mais j’apprends à aimer ses tons de blanc et à voir la beauté dans l’aspect dégarni de la nature — les textures d’écorce, de champignons gelés, des formes dans la neige… On dirait que tout semble plus net sur un fond blanc, si on y prête attention.

Vivez les couleurs aux premières loges
Venez vous imprégner des couleurs et apprécier l'automne comme il se doit, au meilleur endroit qui soit.
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